J'avance dans l'obscurité opaque, dans ces ténèbres d'où je sais que l'on ne revient pas. En vide de sens, le pied lourd et mon âme hurlante, j'avance, pas après pas.
Je la vis recroquevillée sur elle-même le corps meurtri autant que son âme, tremblante de froid, de peur et de sens. Elle était là, tapie dans l'ombre comme un animal apeuré qui ne comprend plus ce qui l'entoure, le regard humide intense et profond... mais vide ! Ses cheveux ternes dissimulaient tout un pan de son visage.
Je la sentis seule, enfermée dans un monde où elle n'avait pas de place... elle me ressemblait tant mais d'une manière différente. Elle vivait en moi.
J'avance dans la clarté subtile, dans la lumière d'un monde éternel. Mon âme sereine comble ce besoin de sens par la légèreté de mon être en chacun de mes pas.
Je la vis debout, les bras ouverts accueillant le monde contre son cœur, le visage rayonnant d'une lueur sublime. Elle était là, apaisée, dans la confiance de l'instant présent, le regard intense et profond... empli d'amour ! Ses cheveux resplendissaient au vent, libérant leurs fragrances enivrantes.
Je la sentis entière, ouverte à un monde auquel elle donnait une place en elle... elle me ressemblait tant mais d'une manière différente. Elle vivait en moi.
J'avance dans le froid glacial, dans une atmosphère pesante. Mon esprit s'agite dans des méandres d'incompréhensions successifs sur lesquels il se brise, pas après pas.
Je le vis soudain passer en hâte, les épaules voutées par le poids de son existence, le regard tourné vers le sol. Une silhouette sombre, perturbé par le flux incessant de son mental, ignorant les gens à côté de lui, ignorant le ciel au-dessus de lui, ignorant la vie. Il était là, affolé dans ses croyances et ses illusions matérielles, le visage fermé.
Je le sentis las, enfermé dans un monde minuscule, étriqué... il me ressemblait tant mais d'une manière différente. Il vivait en moi.
J'avance dans la chaleur exquise, au printemps de ma destinée. Mon esprit apaisé et serein face aux mystères de l'existence, la confiance en chacun de mes pas.
Je le vis passer, marchant la tête levée et le regard loin en avant. Il émanait de lui un calme absolu qui pouvait se lire sur son visage. Il était là, rayonnant, le pas assuré d'une personne se sachant sur son chemin, accueillant tous les êtres qui croisaient sa route. L'esprit ouvert à l'univers, à tous les possibles, il s'émerveillait en chaque instant.
Je le sentis en paix, avec lui-même, avec cet univers à qui il donnait une place en lui... il me ressemblait tant mais d'une manière différente. Il vivait en moi.
À l'intérieur de Soi se trouve l'univers de tous les possibles à partir duquel toute forme prend naissance, dans l'invisible, en chacun de nous, gisent des richesses illimitées.
Auteur : Jean-Luc Picot